Aquaman : la guerre est-elle une anomalie de l’Histoire ?

- par Vincent M.T.

« Les nations de votre univers de fiction sont-elles en guerre ? Et si non, pourquoi ?« 

Matt Colville, romancier.

En 1995, Donald Kagan publie une ouvrage intitulé « On the Origins of War and the Preservation of Peace« , qui analyse cinq grands conflits armés sur une période d’environ deux millénaires et demis, et pose une question fondamentale : la guerre est-elle inévitable ?

De même cette année, dans le film Aquaman, outre une reprise superficielle de la légende du Roi Arthur, le coeur de l’histoire tourne autour de la guerre et son évitement. Bien sûr, on a tout de même le droit à de nombreuses scènes de combat épique parce que, bon, la violence et la guerre, c’est mal, mais c’est tout de même super vendeur. 

Peut-on éviter la guerre ?

En 2019, la grande majorité des gens répondraient : « Oui, bien sûr, il y a toujours une meilleure solution ». Les causes de la guerre sont avant tout psychologiques, les gens cèdent à la facilité, à la violence de leurs bas instincts. La guerre n’est motivée que par l’égo, l’avidité ou la peur ; elle est préparée par le mensonge, l’abus et la manipulation… la guerre, c’est un accident dans un monde en paix, c’est le sombre projet de quelques rares fous obsédés de pouvoir qui parviennent à séduire suffisamment de gens pour se retrouver en position d’autorité. Personne ne se lève le matin en se disant « Tiens, je déclencherais bien une guerre aujourd’hui ». Alors en tant qu’humains, on peut mieux faire. Non ?

On ne peut pas éviter la guerre, on ne peut que la retarder, à son propre désavantage.

Nicolas Machiavel

Et bien, peut-être pas. L’analyse de Kagan, et d’autres avant lui, indique plutôt que l’état « normal » de l’humanité n’est pas la paix ; que la guerre n’est pas le résultat d’un projet maléfique particulier mais la voie spontanée de l’humanité, et que les périodes de paix sont toujours le fruit du dévouement extraordinaire de personnes qui travaillent d’arrache-pied pour la maintenir.

Au final, c’est la paix durable qui est la véritable « anomalie » dans l’histoire de l’humanité.

Une catastrophe « naturelle »

Alors pourquoi s’imagine-t-on que la guerre est une telle anomalie dans l’Histoire de l’humanité ?

D’abord parce que, comme le soutient Nigel Biggar, professeur d’éthique à Oxford, dans son ouvrage « In Defence of War » (2013), nous adhérons inconsciemment au mythe pacifiste selon lequel il y a toujours une meilleure solution que la violence. Il faut bien le reconnaitre, ce mantra est une croyance, l’affirmation d’un espoir, plutôt qu’une conclusion irréfutable.

La preuve en est que nous avons dû fonder successivement deux organisations mondiale pour maintenir la paix, la première étant un échec cuisant et la seconde présente au mieux une bilan mitigé : le tonnerre du canon ne s’est pas tu depuis 1945.

Pour autant l’espoir qu’exprime le pacifisme radical n’est pas inutile, loin de là ! Il faut bien se rappeler régulièrement de n’opter pour la guerre qu’en dernier recours… justement parce que le conflit armé est une solution qui nous semble très évidente. Cela, le film Aquaman le représente bien.

Ensuite parce que toute la pop-culture (ou presque) nous rebat les oreilles avec l’idée que la guerre n’est pas, au fond, un choix rationnel. Il faut être fou ou malveillant pour l’envisager. Exception notable, le film Captain America : Civil War parvient très bien à montrer l’inverse, désamorçant de longues années de propagande et de déshumanisation des adversaires.

Dans Aquaman, on patauge dans le convenu : le méchant roi raciste pas beau manoeuvre pour donner aux diverses nations Atlantes la justification de partir en guerre – ou pour leur forcer la main. Et le gentil roi inter-ethnique tabasse tout le monde avec sa grosse fourchette magique pour éviter la guerre.

Dans la réalité, éviter une guerre nécessite bien plus.

Les affreux de la guerre

Il y a trois raisons pour lesquelles on fait la guerre, et essentiellement une raison pour laquelle on ne parvient pas à l’éviter.

Thucydides, historien militaire de l’Antiquité, affirmait que les nations se faisaient la guerre généralement pour l’honneur, la crainte ou l’intérêt. Selon Kagan, la suite de l’histoire le confirme : les groupes humains développent des volontés particulières, et ces volontés – souvent tout à fait légitimes – finissent inévitablement par entrer en conflit sur un de ces trois axes. Par exemple, en 1914 la politique du Kaiser Wilhelm était de restaurer l’honneur Prusse notamment en construisant une flotte qui menaçait les intérêts Britanniques, et cela a empêché toute médiation avec les Anglais. De même la Seconde Guerre Mondiale résulte largement de la crainte d’entrer dans un autre conflit à grande échelle – incitant les futurs Alliés à laisser Hitler s’approprier la Tchécoslovaquie, ce qui renforça sa position.

Or souvent, tout cela aurait pu être évité si les gouvernements avaient envoyé des signaux diplomatiques plus clairs. Dans Aquaman, les nations Atlantes, qui vivent dans l’océan, souffrent de la dégradation environnementale causée par les humains : pollution, pêche excessive, etc. Un peuple menaçant les intérêts de l’autre, il est logique que la question de la guerre se pose. En revanche, le seul « avertissement » diplomatique donné aux humains consiste en un soudain reflux sur les plages de tous les navires et les déchets accumulés au fil des années dans la mer. Mais les humains ont du mal à identifier ce phénomène comme un « message », étant donné que les Atlantes dissimulent leur existence – démontrant que la communication du gouvernement Atlante est ambigüe, justement une des principales cause d’échec de la diplomatie.

La plus grande des guerres

Morale bien-pensante des hommes-poissons : si seulement on pouvait tous être gentils et tolérants, comme Aquaman, alors tout se passerait bien. Bien sûr Aquaman se veut un discours… subversif (?) vis-à-vis de la politique américaine actuelle.

Sauf que nous ne sommes pas fondamentalement gentils. Si la guerre n’est pas un accident, ce n’est pas un hasard. Où est cette écrasante majorité de « gens qui ne veulent pas la guerre », et que font-ils dans l’univers DC ? Et dans le nôtre ? La guerre et la paix sont-elles la préoccupation exclusive des dirigeants et des héros ?

La montée du populisme en Europe et aux USA n’est pas non plus un hasard, c’est la résultante d’intérêts et de volontés contraires. Même si la perception des causes ou des solutions peuvent être manipulées, un conflit se profile pour les mêmes raisons historiques.

Alors que faire si nous ne sommes pas impliqués dans le jeu diplomatique, s’il n’est pas de notre ressort d’envoyer un « message clair » ?

Saroumane pense que seul un grand pouvoir peut tenir le mal en échec, mais ça n’est pas ce que j’ai découvert. Je crois que ce sont les petites choses, les gestes quotidiens des gens ordinaires qui nous préservent du mal… de simples actes de bonté et d’amour !

Gandalf, dans Le Hobbit

Il faut avoir l’humilité de choisir un combat à sa portée. Si la guerre est naturelle au niveau des nations, elle l’est aussi entre les groupes plus restreints, et même entre individus. Nous ne ferons pas partie de la solution avant de reconnaître que nous faisons partie du problème. Dans Aquaman, le problème comme la solution sont uniquement chez quelques dirigeants. Mais la plus grande des guerres prend sa source dans chacun d’entre nous, et elle est à ce point profonde et universelle parce qu’elle touche à notre Créateur, en qui se trouve notre identité.

Autrement dit, c’est parce que nous sommes en guerre avec Dieu – consciemment ou non – que nous sommes en guerre avec nous-mêmes et les uns avec les autres. Chacun d’entre nous peut se réconcilier avec Dieu pour être restauré à lui-même, aux autres et au monde.

Et comment ? Aquaman suggère l’action initiatrice d’un Prince entre deux mondes, seul capable de faire le lien. Kagan suggère un message diplomatique clair. Le monde suggère une communauté missionnée pour le maintien de la paix.

Dieu coche toutes les cases. Il nous envoie un message diplomatique clair en sacrifiant son Fils unique pour nous sauver. Ce fils, Jésus, appartient à la divinité et à l’humanité, faisant de lui l’unique intermédiaire possible. Par son Esprit, il fonde une communauté missionnée à travers les âges pour répandre la paix et l’amour qui caractérisent son royaume. Il ne nous reste qu’à décider si nous voulons la paix, ou la guerre.

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