L’apologétique culturelle est la démonstration de la vision biblique du monde à travers notre culture. Voilà la réponse courte.
Bien sûr, vous vous doutez qu’il y a une réponse plus longue. Voici quelques détails supplémentaires :
- L’apologétique culturelle tente de présenter la pertinence et la vérité de la vision biblique du monde (Création, Chute, Rédemption, Glorification) tout en étant en dialogue avec la culture.

- Il s’ensuit que l’apologétique culturelle se pratique en paroles, bien sûr, mais aussi en actes. La plupart du temps, cet aspect est négligé. Pourtant, il est pertinent de présenter notre foi à travers toutes nos activités, y compris culturelles et artistiques, puisque les réalités profondes que prétend décrire notre vision du monde affectent tous les domaines de notre vie.
- Cela implique que l’apologétique culturelle cherche à révéler la vision du monde qui “irradie” d’une oeuvre ou d’un phénomène culturels donnés. Toute culture parle de ce que l’on croit, il suffit d’écouter, et notre objectif est d’entamer le dialogue. En étant attentifs à la culture contemporaine, nous pourrons discerner les visions du monde véhiculées et ainsi mieux témoigner de notre foi.
POURQUOI S'INTÉRESSER À LA CULTURE ?
Depuis les motifs qui recouvrent la table centrale de la salle des conférences au Palais du Luxembourg, jusqu’au principe du droit d’auteur ou de l’emprunt à intérêt, en passant par l’invention du hip-hop, la consommation de tabac ou les films d’horreur, rien n’échappe à l’influence plus ou moins discrète de la culture.
Notre vision du monde (idéologie, religion, philosophie, spiritualité, etc.) unifie tous les domaines de notre vie, et la culture est le moyen par lequel elle s’exprime – individuellement ou collectivement. Autrement dit, la culture, c’est la forme et la vision du monde, c’est le fond.
Or, si nous ne sommes pas tous des experts en philosophie, en religion ou en idéologies politiques, nous baignons par contre tous dans une ou plusieurs cultures, et sous-cultures, que nous connaissons très bien. C’est donc par la forme culturelle qu’il est le plus évident de faire passer le dialogue entre différentes visions du monde, afin qu’il soit accessible à tous ceux qui partagent une culture donnée.
QUELS SONT LES DOMAINES DE L'APOLOGÉTIQUE CULTURELLE ?
L’apologétique culturelle s’incarne dans tous les domaines de la culture, mais s’intéresse aussi aux théories de la culture. Ceci en fait une activité très large, d’autant plus que le terme “culture” est difficile à définir, notamment parce qu’il recouvre de nombreuses notions. Il ne s’agit pas ici d’être complets mais nous pouvons mentionner les domaines suivants :
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Rembrandt, « Christ dans la tempête » Les activités socioculturelles (politique, jeux et sport, arts de la table, artisanats, etc.) et les questions de société (identité culturelle ou nationale, économie, etc.) ;
- L’art : les beaux-arts traditionnels (la peinture, la sculpture, la poésie, l’architecture, la musique, le théâtre et la danse) ainsi que ceux qui sont plus récents (photographie, cinéma et télévision, littérature, design, spectacle, etc.) ;
- Les théories de la culture (ses origines, sa formation, etc.) ;
- Les types d’apologétique culturelle.
COMMENT FAIRE DE L'APOLOGÉTIQUE CULTURELLE ?
En quelques mots, l’apologétique culturelle cherche tout d’abord à comprendre la culture et l’interpréter par une méthode similaire à celle que nous utilisons pour lire la Bible. Il faut donc commencer par :
- Connaître le contexte socio-culturel dans lequel ce que vous étudiez (film, littérature, courant social) a été créé ;
- Connaître l’historique de cet objet ou courant culturel. Toute notre culture est ancrée dans notre histoire, il est donc important de la prendre en compte ;
- Souligner et comprendre les thèmes importants présents dans ce film, objet, etc.
- Ensuite, l’apologétique culturelle essaie d’identifier les affirmations centrales (explicites ou non). En faisant cela, nous essayons de comprendre la “vision du monde” de la culture.
- Enfin, nous utilisons ce thème central afin de présenter l’espérance de la foi chrétienne. Ici, nous voulons montrer comment seule une vision biblique du monde peut nous donner une vraie espérance.
Y A-T-IL DE L'APOLOGÉTIQUE CULTURELLE DANS LA BIBLE ?

Dès le livre de la Genèse, le récit biblique se comprend d’autant mieux dans le contexte des mythes créationnels présents au Proche Orient Ancien, notamment les poèmes d’Enuma Elish et d’Atrahasis chez les Babyloniens, ou le Cycle de Baal chez les syro-cananéens d’Ugarit. La création en Genèse se démarque par son harmonie et la bienveillance divine, tandis que les autres textes racontent que la terre et l’humanité sont nées par la volonté meurtrière ou esclavagiste des dieux.
Affirmer qu’il n’y a qu’un Dieu dans un contexte polythéiste, et qu’il a créé gratuitement, par simple bonté, alors que les autres dieux créent par intérêt et par utilité, c’est affirmer que l’exploitation et la violence ne sont pas des conditions normales de la vie sur terre : voilà un discours qui ne peut être que polémique, à l’époque. Et donc, Genèse 1 en particulier peut se lire comme une forme d’apologétique culturelle. C‘est une présentation et une défense de la vision biblique de la création !

Par la suite, les prophètes jouent régulièrement sur des références aux dieux étrangers : Moïse lors des 10 plaies d’Egypte (un jugement contre le pharaon, élevé au rang de “dieu” d’Egypte), Gédéon et Élie avec leur emploi de la pluie et de la rosée (Baal est censé être le dieu de ces éléments), Samuel avec l’anecdote de la statue de Dagon qui correspond à une déclaration de victoire militaire (la déesse philistine de la guerre, Anat, coupait les mains et la tête de ses victimes), ou encore Élie avec sa critique des idoles fabriquées “de main d’homme”.

Dans le Nouveau Testament, les écrits de Luc et de Paul, entre autres, présentent de nombreuses références aux cultures grecque et romaine. Il ne s’agit pas que des deux citations bien connues lors du discours de l’apôtre devant l’Aréopage, mais d’une multitude d’allusions, de parallèles thématiques, de reprise lexicale et d’usages proverbiaux – références tirées d’oeuvres qui mélangent histoire, poésie, philosophie et mythologie. A chacune de ces occasions les auteurs bibliques visent à démontrer la foi chrétienne en s’appuyant sur la culture grecque, tout en la défiant, pour rendre leur démonstration pertinente et percutante.

Le dernier livre de la Bible regorge également de références culturelles qui contribuent à démontrer la foi chrétienne. L’Apocalypse utilise des symboles importants (comme la couronne, le cavalier) pour souligner l’opposition radicale entre Dieu et Satan, mais aussi pour affirmer la royauté totale de Christ, seul seigneur au-dessus du césar. Dans l’Apocalypse, l’apologétique culturelle a une nature très polémique !
QUELS SONT LES FONDEMENTS THÉOLOGIQUES DE L'APOLOGÉTIQUE CULTURELLE ?
L’humain est l’image de Dieu, et il a pour mission d’être l’intendant et le représentant de Dieu au sein de la création. C’est ce qu’on appelle le “mandat culturel” ou “créationnel.” Ainsi, l’homme est “sous-créateur” : il crée, non à partir de rien, mais à partir de la création de Dieu. Le fameux commandement à “dominer” et “garder” la terre, fonde la vocation humaine d’embellir et préserver la création, c’est-à-dire une vocation culturelle. En effet, la culture est une puissance de transformation sur ce que Dieu a créé.
La chute a perverti l’homme, et au lieu de former la création, il la “déforme” désormais : la culture est devenue une idole. Cela ne rend pas la culture mauvaise en soi, mais son orientation a été radicalement changée. Elle n’est plus dirigée vers Dieu, mais vers l’homme, l’argent, la gloire, le pouvoir, etc. Cependant, la chute n’est pas totale – car Dieu ne permet pas que le péché détruise sa création.
Tous les aspects de l’humanité sont touchés par le péché, mais ils ne sont pas entièrement pervertis. C’est ce qui est parfois appelé “grâce (ou bonté) commune.” Dieu par un acte de bonté commun envers tous les êtres humains, nous permet de vivre, de connaître, d’aimer, d’inventer, et de nous émerveiller de la création. C’est pourquoi toute culture reflète encore en partie des éléments de vérité, de bonté, et de beauté.
En fait, tous les êtres humains peuvent prendre part au mandat culturel. Dieu, par sa bonté, permet encore aujourd’hui que tout le monde, chrétien ou non, puisse mettre en oeuvre ses dons artistiques, ses capacités et son imagination. Cela est possible parce que l’image de Dieu en nous (un Dieu créatif et artistique) est préservée de la destruction complète que la chute aurait pu avoir.
Cette restauration de la culture sera parachevée dans le monde à venir, bien que nous n’en connaissions pas les modalités. N’étant pas certain de ce que seront ce nouveau ciel et cette nouvelle terre, nous devons nous satisfaire d’être participants de ce mandat créationnel confié par le Dieu de la Bible. Notre contribution à la culture, à sa formation, à son orientation, à sa cultivation, et à son influence, ont une dimension d’éternité, puisqu’elles peuvent refléter ce monde et cette vie à venir.
QUELS SONT LES LIMITES ET LES DANGERS DE L'APOLOGÉTIQUE CULTURELLE ?
- Elle a une portée culturelle, donc limitée à certaines audiences. On ne peut pas toucher tout le monde à travers la musique classique, un film des années 80, un jeu de carte à collectionner ou une série de livres pour jeunes adultes. Quand bien même les enjeux apologétiques sont similaires, l’objet culturel considéré implique un traitement différent : la question de la justice était d’actualité dans les écrits des philosophes grecs de l’Antiquité comme elle l’est dans la trilogie de Batman (de Christopher Nolan), mais les publics et les époques sont différents, on ne peut donc pas se contenter de répéter les mêmes choses de la même manière.
- On peut manquer de sérieux ou de pertinence. L’apologétique culturelle, comme toute discipline, nécessite du temps, de la réflexion et de la recherche. Le danger est de vouloir “faire” de l’apologétique sans en prendre le temps. Il ne faut pas céder au rythme du monde actuel aux dépens de la qualité de notre apologétique. Cependant, le temps et les efforts ne suffisent pas, il faut les investir correctement.
- Ensuite, il est facile de croire que l’apologétique culturelle se contente d’évaluer la qualité d’une oeuvre. Or, il ne suffit pas de critiquer une oeuvre culturelle, de donner son avis sur ses caractéristiques artistiques. Il faut toujours avoir à l’esprit que notre critique est existentielle, personnelle, et englobante. Nous voulons présenter Dieu à travers la culture, mais pour cela il faut d’abord discerner les idoles qui se trouvent au sein de nos cultures.
- On peut également se compromettre par surexposition à la culture non-restaurée. L’attrait que représente l’aspect culturel auquel on se consacre doit venir de sa restauration en Christ, et non de son état déchu, sinon nous risquons d’entretenir et d’aggraver la corruption de notre vision du monde.
LES DIFFÉRENTES FORMES D'APOLOGÉTIQUE CULTURELLE
Rappelons que ce que nous voulons faire à travers l’apologétique culturelle c’est démontrer la vérité en paroles et en actes dans la culture contemporaine de la vision biblique du monde. Pour cela nous pouvons faire trois choses sensiblement différentes :
Nous pouvons choisir d’évaluer une oeuvre culturelle (une peinture, une musique, mais aussi une exposition, ou un projet d’architecture) et tenter de discerner et d’évaluer la vision du monde présentée. Elle peut s’adresser à tous, chrétiens ou non. C’est la dimension théorique (analytique, critique) de l’apologétique culturelle (exemple).
Nous pouvons aussi tirer de telle ou telle oeuvre une leçon importante pour notre témoignage chrétien. Cela peut être quelque chose de positif ou négatif, mais cela nous aide à comprendre nos contemporains afin de témoigner auprès d’eux. Elle s’adresse aux chrétiens et constitue la dimension pédagogique de l’apologétique culturelle.
Enfin, nous pouvons produire une oeuvre culturelle qui s’adresse donc à tous. C’est la dimension créative de l’apologétique (exemple).
Voilà les trois dimensions de l’apologétique culturelle que nous proposons sur ce site. Chacun des articles sera “étiqueté” par des initiales, selon sa dimension théorique (Th), pédagogique (Pg), ou créative (Cr).