– par Vincent M.T.
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« Le Maître du Haut Château« , roman de Philip K. Dick publié en 1962, a donné lieu en 2015 à une série télé éponyme, produite par Amazon, et dont la diffusion de la deuxième saison a commencé vendredi dernier.
Comme pour d’autres grands classiques de cet excellent auteur, l’écart entre l’oeuvre d’origine et son adaptation est souvent révélateur – outre de la difficulté d’adapter un livre magistral à l’écran – de l’évolution des mentalités d’une époque à l’autre. Cependant nous passerons pour l’instant sur cet aspect, pour nous intéresser à un élément du récit qui a été relativement bien conservé : le rapport entre ce que l’on prétend être et ce que l’on est vraiment.
Des apparences toujours trompeuses
Dans ce roman, l’histoire qui nous est racontée est fausse, puisqu’il s’agit d’une histoire alternative du monde, où les Nazis et les Japonais auraient gagné la Seconde Guerre Mondiale et occuperaient les Etats-Unis ainsi que l’Europe. Plus encore, rien ni personne n’est qui il (ou elle) prétend être : espion, homme d’état, escroc, vendeur, nazi, juif, résistant, agent infiltré… tout le monde joue un double jeu, tout le monde a quelque chose à cacher.
Absolument tout est tromperie. Tout, sauf le seul élément qui, dès le départ et tout au long du récit, ne peut pas être vrai : un livre intitulé « Le poids de la sauterelle« . Cet ouvrage raconte une histoire où les Alliés ont gagné la guerre , et ne peut évidemment pas être considéré comme « fiable » dans l’univers du roman, puisque ce qu’il affirme n’est pas arrivé. D’ailleurs il ne peut pas non plus nous sembler fiable à nous, lecteurs, puisque la version de l’Histoire qu’il relate ne correspond à notre passé que dans les grandes lignes, mais pas dans tous les détails.
Au milieu de toute cette confusion, le Yi King (un instrument de divination d’origine chinoise) est utilisé à plusieurs reprise pour percer à jour les faux semblants. Finalement [ATTENTION SPOILER], on apprend que c’est cet instrument qui a guidé les choix narratifs de l’oeuvre fictive Le poids de la sauterelle ; et plus troublant encore, lorsque le Yi King est interrogé au sujet du livre, il le déclare « vrai ».
Le but de l’auteur est de nous inviter à nous poser des questions sur ce que nous considérons être la « réalité ». Les personnages du roman comprennent qu’ils vivent, dans une certaine mesure, une histoire pleine de faux-semblants et de fictions. Tout est emprunt de fausseté, excepté un livre qui raconte une histoire incroyable, voire impossible.
Et si c’était faux… ?
Aussi paradoxal, voire aberrant, que cela puisse paraître, ce livre dit vrai, alors même qu’il décrit une réalité qui est « hors de vue », au point que tout un chacun serait prêt à la croire fausse. On peut tracer là un parallèle avec la Bible, et ce ne serait pas tiré par les cheveux car le titre Le Poids de la sauterelle y fait directement référence (la traduction brouille un peu la piste, mais la citation est plus évidente dans la langue originale, « The grasshopper lies heavy« ) :
« Souviens-toi de ton créateur durant ta jeunesse, avant l’arrivée des jours mauvais, avant d’atteindre les années où tu diras: « Je n’y prends aucun plaisir ».
(…) C’est l’époque où l’on redoute ce qui est haut, où l’on a des terreurs en chemin, où l’amandier fleurit, où la sauterelle devient lourde et où la câpre n’a plus d’effet, car l’homme s’en va vers son habitation éternelle et les pleureurs parcourent les rues.
Souviens-toi de ton créateur (…) avant que la poussière ne retourne à la terre, comme elle y était, et que l’esprit ne retourne à Dieu, celui qui l’a donné!
Vanité des vanités, dit l’Ecclésiaste, tout n’est que vanité ! »
– Livre de l’Ecclésiaste, ch. 12, v. 1-8.
La réalité que décrit la Bible peut nous apparaître comme fictive, tant elle semble s’éloigner parfois de ce que nous percevons de notre réalité. Pourtant, notre rapidité à rejeter le récit Biblique, fondé sur des objections évidentes, mérite un examen plus conséquent. Dès lors, comme dans l’univers du Maître du Haut-Château, ceux qui acceptent le message biblique rejoignent de fait une sorte de Résistance contre ce qui peut être décrit comme une « torsion » , une « falsification » dans l’Histoire du monde, un mauvais chemin emprunté et qu’il faut corriger.
Et si ce n’était pas la Bible qui était fausse, mais notre réalité qui était faussée ?
Sortir du faussé
L’auteur Gilbert Keith Chesterton, dans son ouvrage magistral intitulé Orthodoxy, place toute la responsabilité de cette « falsification » sur l’homme :
Après tout, peut-être que c’est le Christianisme qui est raisonnable, tandis que ce sont tous ceux qui le critiquent qui sont déraisonnables – de différentes manières. (…) La retenue des chrétiens attristait Swinburne parce qu’il était un peu plus hédoniste que ne devrait l’être un homme sain d’esprit. La foi des chrétiens l’irritait parce qu’il était plus pessimiste que ne devrait l’être un homme sain d’esprit. De la même manière, les Malthusiens, instinctivement, ont attaqué le Christianisme : non parce que le Christianisme aurait quelque accent anti-Malthusien, mais parce que le Malthusianisme est quelque peu anti-humain.
Plus précisément, d’après la Bible, la nature était placée sous l’autorité de l’homme, et lorsqu’il a choisi de rompre avec Dieu, il a ainsi entraîné une partie de la réalité dans sa chute. Ainsi nature et culture reflètent l’état brisé, faussé, de l’homme. Voilà pourquoi ni l’une ni l’autre ne peut à elle seule, ou même prises ensemble, constituer un modèle à suivre ou un moyen de résoudre le problème fondamental de l’humanité. Il faut d’abord reconnaître qu’elles sont faussées, tout comme nous ; et il faut ensuite trouver ici-bas quelque chose qui ne l’est pas.
La Bible est justement cela, une « révélation », une part de vrai qui prend forme dans notre réalité faussée. Doit-on s’étonner du conflit que cela crée ? Pour autant, tout espoir n’est pas vain, comme nous tentons de le démontrer sur ce site : la restauration est possible en Christ, qui est la Vérité et dont nous sommes tous appelés à être les témoins. Une autre réalité existe, plus vraie, plus grande, plus belle que celle que nous connaissons actuellement, et elle triomphera ultimement de nos faux-semblants.
Rejoignez la Résistance : ouvrez la Bible, ouvrez les yeux.
4 comments
Bonjour.
Bonne idée que de revenir sur « Le Maître du Haut Château » ! Je n’ai pas vu la série mais j’ai lu le roman, il y a fort longtemps. En complément de ce que vous analyser, je me souviens d’une scène où un haut-fonctionnaire japonais entrevoit un bref moment le monde dans lequel nous vivons. Il en retient finalement que cet univers n’est pas vivable et qu’il est beaucoup mieux là où il est. Et il n’est pas le seul à le croire, puisque les américains, habitués à ce régime d’occupation, ne détestent pas leur « enfer tranquille ».
Le vrai problème, me semble-t-il, soulevé dans « Le Maître du Haut-Château », est de savoir si cet univers existe « plus » que celui où nous croyons vivre…Mais quelqu’un, tel un prophète des temps modernes, affirment le contraire : il s’agit d’un auteur de SF, qui nous parle, dans un roman (dans la série, c’est un film ?) d’un troisième univers où existent la compassion et l’espérance. C’est cet univers-là qui est le seul réel, comme vous le soulignez plus haut.
J’en retiens que s’habituer aux « enfers tranquilles », comme autant de petites sécurités, est donc illusoire. Mais une aide extérieure est là, laquelle nous fait signe dans nos petits univers parallèles. Elle vient nous rejoindre – ou nous attend – là où nous aimons nous réfugier seuls, en espérant y trouver la satisfaction de tous nos besoins (cf Gen.3 et Jean 4).
Fraternellement,
Pep’s