Deux choses se sont passées depuis mon dernier article sur les jeux de rôles.
La première, c’est qu’un lecteur régulier et collègue blogueur a répondu à mes articles en levant des points de vigilance vis-à-vis de ce qu’il a compris de mon discours. C’est donc l’occasion pour moi de clarifier ici (voir également la section des commentaires).
La seconde, c’est que j’ai arpenté le web et mes réseaux en quête de lieux et groupes d’initiative chrétienne de jeu de rôle en Francophonie, et qui comporteraient une réflexion minimale sur cette activité… et j’en reviens malheureusement presque bredouille. Mais ce fut aussi l’occasion d’élargir mon champ de recherche, et je ne suis pas mécontent des trouvailles.
Points de vigilance
Dans son article, Pepscafe liste plusieurs aspects qui lui semblent dérangeants. Pour la plupart, je ne reconnais pas mes propos dans ce qu’il semble avoir compris, aussi j’en profite pour clarifier, de peur que mes écrits prêtent à confusion.
Tout d’abord, je dis que le jeu de rôle (« jdr » par la suite) est « une activité qui peut pleinement participer à une vie sain(t)e et équilibrée », « une expression légitime de notre vocation humaine ». Pepscafe rétorque que ce n’est possible qu’en Jésus-Christ seul et non en nous confiant dans une pratique ou une technique. Il y a là une méprise manifeste : je ne dis pas que le jdr est essentiel ou suffisant pour vivre une vraie vie chrétienne, simplement qu’il est possible de vivre une vraie vie chrétienne tout en jouant à des jdr, voire que ça peut y contribuer.
Ensuite, puisque rien n’est neutre, se pose la question : le jdr mène-t-il à Dieu ? Qui règne sur ce jeu ? Des personnes qui ne sont pas chrétiennes pourront trouver Dieu par ce biais tout comme des chrétiens pourront y trouver une occasion de chute. Il y a clairement des enjeux, mais le jeu ne les résume pas tous. Il en va de même pour un repas entre amis ou un jeu de société. Quant à Christ, il règne sur des personnes, il les rend libres et capables de mener toutes leurs activités (la Culture) selon son règne. Ainsi, soumettre son imagination à Christ c’est déjà le laisser régner sur le jeu, en tant que contenu et en tant qu’activité.
Peut-être que la question qui me semble la plus hors-propos dans les points soulevés par Pepscafe, c’est celle-ci : « Qui dit que le joueur « accepte » le Dieu vivant et vrai, au final ? (…) Comment conduite à l’abandon des idoles ?« . Si ce n’était pas déjà assez clair, il y a un recul à avoir entre le joueur et son personnage. Ainsi, le but n’est pas que les personnages acceptent le vrai Dieu – simplement de dépeindre de façon cohérente les conséquences des choix des personnages. Par ailleurs, pour ce qui est du joueur, le but ici est de lui faire interroger son rapport aux idoles à travers ce qu’il va projeter d’office sur son personnage. Tous les personnages partent du « mauvais endroit », et pas uniquement par souci d’équité, mais parce que c’est ce qui nous arrive à tous. Même dans la Bible, Jésus doit plusieurs fois débarrasser les disciples de leurs idées fantasques au sujet de Dieu, de ses projets, de sa clémence et de sa colère. Même dans la Bible, certains « personnages » continuent de rejeter Dieu jusqu’à leur mort, et pourtant on en apprend aussi de leurs (més)aventures.

Quant à l’idée que « faire pratiquer le jeu de rôle ouvre la porte (…) à l’occulte, l’ésotérique, la drogue et la violence« … il faudrait argumenter cette thèse, car je ne vois vraiment pas de quoi Pepscafe veut parler ici. Les 4 chrétiens de mon groupe de jeu pratiquent cette activité régulièrement depuis un an. Pas de violence ni de drogue à l’horizon. Et nous sommes tous impliqués (autant que nous le pouvons) dans la vie de notre église locale. Les jeux de rôles ont de plus été l’occasion de discussion et de soirées édifiantes avec d’autres chrétiens de notre église.
Surtout, Pepscafe compare le contenu « occulte » des jdr à Tchernobyl, pour signifier qu’il s’agit de quelque chose de dangereux et que le fait d’avoir une bonne attitude vis-à-vis de ces choses ne suffit pas à nous en protéger. Et pour argument : Dieu dit que la magie est une abomination ! D’abord il faut voir que les pratiques magiques dans le Deutéronome font référence à des pratiques spécifiques, qui dénotent un rapport marchand au religieux, détourné du vrai Dieu. Dieu se révèle et lève le voile, certes, mais tout n’est pas encore connu (1 Cor13.9) et pour certains la révélation demeure à découvrir (et redécouvrir). Ensuite, notons que de nombreuses choses sont qualifiées d’abominations dans la Bible, y compris le fait de porter un regard hautain sur son prochain (Proverbe 16.5). Il faut donc nuancer la « gravité » de ce qualificatif.
C’est le conducteur, plutôt que la voiture, qui est responsable des accidents. Cela ne dédouane pas les constructeurs de fabriquer des voitures sûres, ni les conducteurs de choisir les voitures moins dangereuses. De même, c’est le péché qui mène loin de Dieu, pas le jeu de rôle.

Avant-dernier point : on ne mesure pas la légitimité d’un projet apologétique à son efficacité. Paul était inspiré quand il a brillamment convaincu plusieurs membres d’un collège de décideurs du besoin de réforme religieuse dans leur ville. Ce que Pepscafe interprète comme une « tentative de séduction oratoire peu heureuse » demeure une situation où il risquait la mort et est ressorti avec des alliés.
Enfin, je trouve le dernier point soulevé par Pepscafe injuste. Je crois bien ne pas m’être contenté d’affirmer que « le jdr est un domaine à racheter », j’ai entrepris de le démontrer dans plusieurs articles. Je n’en suis pas « dépendant », ce n’est pas un « besoin » et ce n’est pas comme ça que je le présente. Et soupçonner cela ouvertement chez l’interlocuteur tend à disqualifier son discours en émettant un doute sur ses motivations. Je pourrais tout autant interroger l’origine des arguments de Pepscafe, mais cela ne résoudrait pas le débat, les arguments doivent se mesurer indépendamment du contexte. Le contexte n’intervient, à mon avis, que dans l’application des principes.
Pour rassurer ceux que cela dérangerait néanmoins, je comparerais plutôt mon approche des jdr à la question de la musique : des milieux chrétiens sont contre l’utilisation de certains instruments ou de certains styles pour des raisons similaires (origines « païennes »). Ce qu’évoquent les instruments n’est pas neutre, mais ce n’est pas tout non plus, et ce n’est pas un « besoin » d’avoir, par exemple, une batterie pour chanter des cantiques, mais c’est quand même bien plus sympa et, si c’est bien fait, ça honore Dieu.
Lieux de jeu
Étant donné qu’il n’y a quasiment pas de lieux ou groupes recensés qui ait pris l’initiative de penser le jeu de rôle dans une perspective chrétienne, j’ai aussi cherché à lister des ressources inspirer ceux qui voudraient se lancer sans avoir de « bagage » théologique très poussé. Et pour les hésitants, un seul conseil : lancez-vous si vous en avez envie ! Vous ne ferez pas tout parfaitement (ni même forcément bien) dès le départ, mais ce n’est pas grave, ça prend du temps et il n’y a pas de meilleur moyen que la pratique.
Je prendrai donc ici la question « où jouer ? » dans plusieurs sens : non seulement les lieux et groupes physiques, mais également les lieux imaginaires. Autrement dit, les univers qui ont été créés ou adaptés par des chrétiens, ou qui sont facilement adaptables, pour pouvoir jouer de façon fun dans un contexte qui permet de (re)découvrir et vivre la foi chrétienne tout en évitant l’écueil du prosélytisme ou d’une sorte de catéchisme lourdaud à peine déguisé.
Lieu(x) physique(s)
Malheureusement, jusqu’ici, à part ma table (qui n’est pas « sur le marché »), je n’ai trouvé en Francophonie qu’un seul lieu de rencontres favorable aux jeux de rôles, c’est Holygames, une association de jeux créée par le pasteur Olivier Keshavjee en Suisse. Ceci dit, rien ne vous empêche de jouer entre amis, et c’est là que je peux vous aider à mettre le pied à l’étrier.

Lieux imaginaires
A défaut d’avoir tout le contexte pris en charge, voici au moins des ressources pour embrayer votre propre lieu ou groupe de jeu. Qui sait, dans quelques temps, c’est peut-être vous qui viendrez enrichir le recensement précédent ?
Commençons par les contextes difficiles : de quelles ressources s’inspirer pour présenter un projet de jeu de rôle acceptable et édifiant dans les milieux plutôt réticents ?
- Les Infiltrés, pour commencer. C’est une version « chrétiens persécutés » du jeu Les Loups-Garous de Thiercelieux. Une mise en bouche plus qu’un véritable jeu de rôle, mais tout de même intéressante sur la mise en situation et la sensibilisation.
- Passages ensuite. Plus une ressource de jeu grandeur nature (« GN »), et centrée dans sa forme originale sur les réfugiés internationaux plutôt que sur les chrétiens en particulier. Adaptée, via un système de jeu de rôle, au contexte des chrétiens persécutés, cela peut servir d’extension ou de transition vers cette activité sous une forme plus assumée. J’en ai vu un exemple à MAD In France il y a quelques années, c’était assez saisissant.
- DragonRaid et Holy Lands enfin se veulent des jeux de rôle « Chrétien », et en tant que tels, ils sont très policés. Je ne les recommanderais pas si vous voulez avant tout jouer à des jeux de rôle qui permettent autant de liberté que dans la réalité. Toutefois, si vous cherchez à en faire une activité au sein d’un groupe de chrétiens plutôt vigilants sur les limites à ne pas franchir, c’est une bonne manière de couper la poire en deux.
Pour ceux qui ne craignent pas d’obstacle particulier à leur projet de jeu de rôle, qu’il soit entre amis ou – petits chanceux – que votre église ait d’office une opinion favorable sur cette activité, voici deux univers intéressants dont on peut nourrir plus ou moins n’importe quel système de jeu de rôle :
- Ombre Âge – une saga d’Heroic Fantasy « éminemment chrétienne », selon son auteur Olivier Larue.
- Arda – le monde du Seigneur des Anneaux. Cet univers reste le socle pour l’essentiel de l’imaginaire de Fantasy aujourd’hui, même si la plupart des adaptations tendent à s’éloigner de la trame d’aspiration chrétienne.
Voilà ! J’espère que cette série vous a plu. Je ferai probablement quelques critiques de Jeux de Rôles plus en détail, notamment DragonRaid car il y a des choses très intéressantes dans l’approche. D’ici-là, à bon lecteur, salut !
7 comments
Je veux écrire des romans pour préparer l’imagination à recevoir Dieu, à pouvoir apprivoiser les principes que Dieu met en œuvre dans sa création… Ces questions de magie et de sorcellerie m’ont souvent posé question. Seulement parce que cela semblait choquer les chrétiens… Et puis je me suis souvenue que dans la Bible, il y a des magiciens, de l’idolâtrie, des démons… Que dans le monde créé par Dieu, il y a de l’occultisme, et toutes sortes d’abominations… Un monde parfait, créé par le Tout-Puissant ! qui a été séparé de lui. Et du coup, je me dis que si mes histoires contiennent toutes ces choses, mais que ces choses reflètent la réalité selon l’angle de la vérité (la perspective de Dieu) d’une façon plus digeste et abordable que le fourmillement de la vraie vie, et que ces histoires aident le lecteur à comprendre la réalité qui l’entoure, magie comprise, alors tout va bien. Si Dieu est avec moi dans mon activité, s’il m’encourage, s’il m’inspire, alors je suis prête à apprendre à ses pieds comment une cosmogonie peut révéler à un peuple, et à des lecteurs, quel genre de Dieu il est, et quel genre de relation il veut établir avec sa création.
Il y a une diversité de sensibilité que Dieu a placé dans son corps, et chaque sensibilité est légitime et bonne dans son champ d’action. L’oeil a du mal à comprendre la sensibilité de l’oreille, et vice versa, mais si nous faisons tous ensemble confiance au cerveau qui coordonne tout le corps, on pourra peut-être se coordonner et se compléter parfaitement pour une action conjointe (même si l’oreille a du mal à voir et l’oeil du mal à entendre…).
Je ne connais pas l’univers du jdr, mais d’après ce que j’en ai compris, c’est vraiment une grosse mixture entre jeu et littérature… deux domaines spécifiquement humains, où Dieu nous donne le privilège de créer des relations et des récits ! Et où le péché vient allègrement se greffer, pour reproduire les relations perverses et les contre-récits mensongers qui existent dans notre monde déchu.
Mais là où le péché abonde… la grâce peut surabonder, non ? 🙂
Bonjour thelittlelaura,
En effet, aborder un sujet à l’écrit n’est pas interdit, la Bible elle-même aborde la vertu comme le péché. La question se rapporte plus à la définition du sujet, et le discours que l’on en fait. Comment définir la magie ? Et qu’en dire ?
Sur la première question, je prendrai le meurtre comme comparaison. On pense savoir assez facilement ce qu’est le meurtre : c’est tuer quelqu’un, n’est-ce pas ? Or n’est-il pas interdit de tuer ? Pourtant Dieu commande parfois des actes meurtriers, par exemple dans son système pénal où un meurtrier est condamné à mort (Gn 9.6, Ex 21.12, 1 Sa 15.33, ), et par ailleurs le fameux « Tu ne tueras point » du décalogue serait plus justement traduit « Tu n’assassineras point » (concept qui exclue l’auto-défense et le meurtre en temps de guerre). Donc oui, globalement tuer c’est mal, mais la question est plus complexe qu’on a tendance à le croire au premier abord. Je propose qu’il en va de même pour la « magie », il faut bien end cerner les contours pour correctement comprendre ce que Dieu en dit.
Sur la deuxième question, je suggèrerais de faire preuve d’autant de nuance et de subtilité que les auteurs bibliques. Aucun personnage biblique n’est irréprochable, et même ceux que l’ont qualifierait de « mauvais » peuvent démontrer de bonnes dispositions de coeur parfois. Élus de Dieu ou réprouvés, tous ont des luttes très humaines, et c’est ce qui les rend pertinents pour notre lecture.
Bonjour Vincent,
je te remercie d’avoir pris le temps de me répondre, via cet article enrichi.
Je constate que, comme tu nous l’exprime, tu n’as pas reconnu tes propos dans ce que j’en ai compris, d’où ta mise au point dans un soucis de clarification. Je comprends aussi que lire une remise en question de son travail/activité favorite, en lieu et place de commentaires passionnés attendus, en écho à ta propre passion, ne fait pas plaisir.
Ceci dit, j’aurai apprécié te voir affirmer nos points de convergence, soit nos fondamentaux communs, plutôt que de te limiter aux seuls désaccords. Ainsi, sommes-nous bien d’accord qu’il n’est possible de vivre « une vie sain(t)e et équilibrée » qu’en Jésus-Christ seul et non en nous confiant dans une pratique ou une technique ? Tu ne le précises pas, d’où ma question.
D’autre part, avant d’aller plus loin, il importe de revenir à mon article, avant le tien, pour bien comprendre ce que je veux dire. Ainsi, ce que j’appelle « points de vigilance » soulevés à la lecture de ta série sur le JDR comprend ce qui doit nous alerter, face à tout risque de franchir « une ligne rouge ». L’apôtre Jean nous y exhorte de la sorte dans sa deuxième épître : « Quiconque va plus loin et ne demeure pas dans la doctrine de Christ n’a point Dieu; celui qui demeure dans cette doctrine a le Père et le Fils » (v9). Comme déjà signalé, l’enjeu n’est pas « moral » ou « moralisant », mais est « un enjeu de vie (ou de mort), avec cette préoccupation constante de se garder/se détourner de toute idolâtrie qui nous menace tous(je souligne), en tant qu’êtres humains et en tant que croyants ». Et ce, avec la finalité suivante : « pour (nous) tourner vers Dieu, afin de le servir, Lui, le Dieu vivant et vrai (cf 1 Thes.1v9) ».
Dans cet esprit, je formule un certain nombre de questions/objections claires, lesquelles appellent des réponses claires. Or, tes réponses, dans ta mise au point, m’ont plutôt paru esquiver le problème, quand d’autres m’ont paru particulièrement « légères » sur d’autres point.
Ainsi, par exemple, je n’ai pas eu de réponse claire à ce point de vigilance : « Il est risqué d’ajouter un imaginaire (une nouvelle cosmogonie, même « chrétienne ») aux imaginaires déjà présents dans les pensées. C’est déjà tout un enjeu de l’accompagnement spirituel et des études bibliques en groupes que de faire un travail sur les représentations. Car tout ce que les gens pensent savoir de Dieu, de l’Evangile et de la Bible, est le plus souvent déterminé par des images connexes que par la vérité du texte biblique. Et s’il est vital de déboulonner les idoles qui ont pris la place de Dieu, il est aussi essentiel de brûler les images/l’imaginaire mensonger qui nous empêche de nous voir en vérité, comme Jésus nous voit.
Comment alors faire le ménage de toutes ces « ménageries » et comment conduire à l’abandon des idoles pour se tourner vers Dieu, afin de le servir, Lui, le Dieu vivant et vrai(cf 1 Thes.1v9), sans confronter ces imaginaires/représentations à la vérité de la Parole…? »
Autre exemple : Je trouve que tu écarte un peu rapidement la question « Dans quelle mesure les valeurs de l’occulte et autres dénis du réel sont-elles acculturées, via certains(je souligne) univers de JDR » [mais aussi dans les JV] ? » Ton regard sur le magique, et sa place dans l’univers du jeu, me paraît en soi interpellant et problématique. En témoigne aussi la façon dont tu passe sur l’argument comme quoi la magie/l’occulte est « une abomination » pour Dieu – sommes-nous bien d’accord sur ce sujet ? Comment alors être cohérent avec cette position de départ ?
Tu ne comprends pas ce que j’entends par là : « Faire pratiquer le jeu de rôle ouvre la porte (…) à l’occulte, l’ésotérique, la drogue et la violence ». Plus exactement, j’ai écrit : » faire pratiquer le JDR, quand bien même il serait « maison », ouvre la porte à d’autres univers et à d’autres influences, franchement tournées vers l’occulte et/ou l’ésotérique, sans oublier la drogue, ou la violence ». Ma question était : Comment gérer « ce passage », cad le fait que tôt ou tard l’on soit confronté à d’autres univers rôlistes franchement marqués par l’ésotérisme et l’occulte, la banalisation de la drogue ou même le sexe….pour ne pas être une occasion de chute ? Tu n’as pas non plus répondu à la question.
Ton exemple du conducteur et de la voiture n’est pas un bon exemple. Il y a certes « un bon » et « un mauvais » usage de la voiture, mais la voiture n’a pas été conçue initialement pour écraser les gens, sauf erreur. Ce n’est pas le cas de la magie : pour Dieu, il n’y a pas « de bon » ou « de mauvais » usage, ou même d’usage « neutre » de la magie. Celle-ci est une abomination pour Lui. Dans ce cas, si Dieu est radical sur ce sujet, beaucoup plus radical que toutes les tentatives de théoriser/rationnaliser le magique dans le JDR, comment croire possible de recycler un tel matériau magique/de sorcellerie/occulte pour un usage ludique, qui serait purement « technique », « cool » et « sympa » ? Sauf que ce n’est pas du jeu. C’est tout sauf un jeu.
Sinon, effectivement, il y a d’autres choses que Dieu qualifie « d’abominations », outre celui que tu soulignes : à savoir, l’idolâtrie. Ainsi, ce commandement de Dieu, tout aussi radical, que tu n’as pas commenté: « Vous brûlerez au feu les images taillées de leurs dieux. Tu ne convoiteras point et tu ne prendras point pour toi l’argent et l’or qui sont sur elles, de peur que ces choses ne te deviennent un piège; car elles sont en abomination à l’Eternel, ton Dieu »(Deut.7v25).
Enfin, tu n’es sans doute pas « dépendant » du JDR et « ce n’est (apparemment) pas un besoin ». Cependant, loin d’être un sujet purement anecdotique, le JDR te passionne visiblement, au point d’y consacrer une série de quatre articles, sans compter les autres textes complémentaires sous un autre angle. Tu y consacres aussi du temps en tant que MJ et travaille même à l’élaboration d’un univers de jeu original. De fait, dire qu’ « il convient d’abord d’interroger notre propre dépendance ou notre besoin même de JDR », ce n’est pas là « soupçonner ouvertement » une dépendance « chez l’interlocuteur dans le but de « disqualifier son discours en émettant un doute sur ses motivations ». Si nous considérons que les Ecritures bibliques nous encourage à rechercher la Gloire de Dieu et notre édification (1 Corinthiens 10v31 et Éphésiens 4v29) individuelle et collective – inviter à se questionner sur l’effet étrange de l’ouverture à certaines pratiques passe bien avant notre propre plaisir, ludique ou non. Qu’en dis-tu ?
Ainsi, il me paraît important, pour garantir une discussion de qualité, de prendre le recul nécessaire par rapport au sujet qui nous concerne, ici le plaisir ludique. Cela peut devenir un véritable défi, si nous sommes très impliqués par le sujet. Mais cela ne devrait pas être trop difficile si le JDR (comme toute autre activité) n’est pas « une vache sacrée » : le JDR devrait alors supporter toutes les remises en question nécessaires ! C’est normalement à cela que devrait nous conduire la théologie.
En te remerciant pour ta lecture attentive,
Bien fraternellement
« Pep’s »
Bonjour Pep’s et merci pour ton commentaire. A défaut d’être entièrement d’accords ou de nous comprendre parfaitement, au moins on peut maintenir la discussion et j’en suis reconnaissant car ce n’est pas toujours un donné. Si ma « réponse » a laissé paraître un sentiment négatif, c’est qu’effectivement j’ai été contrarié, non par les arguments que tu as présenté mais par leur catégorie. Ils me donnent l’impression que la mentalité qui préside à ton raisonnement n’est pas propice à débattre du sujet comme j’essaie de l’aborder. Je parle de pratiquer le jdr entre chrétiens et tu sembles craindre que j’encourage les jeunes chrétiens à peser qu’ils peuvent pratiquer leur foie fréquentant n’importe quelle table de jeu.
Je ne réponds pas toujours aux questions que tu poses car ce ne sont pas les questions que j’aborde dans mes articles. Je n’ai pas cherché à définir en quoi ou en qui on devait se « confier » pour vivre une vie sain(t)e et équilibrée, j’ai simplement dit que le jeu de rôle pouvait participer à cette vie. Je n’ai pas dit que le jdr était essentiel pour la foi, ou qu’il remplaçait Jésus, alors je ne ressens pas le besoin de préciser ma pensée sur le sujet. C’est juste « hors de propos » ici à mon avis. Par ailleurs, je n’ai aucune difficulté à affirmer que seul Jésus est essentiel à la vie de foi, mais en disant ça, je n’ai rien dit de plus ni de moins sur le sujet en question.
Je constate ton souci de mettre la Parole au centre, de par les citations sur lesquels tu appuies tes propos, et je peux comprendre ta vigilance.
Cependant je suis en désaccord total sur la question de l’imaginaire tel que tu l’envisages, tout du moins de ce que j’en comprends. L’imaginaire est un lieu de connaissance de Dieu, et c’est pour cela qu’il faut le cultiver, même s’il est imparfait et en réforme constante. Dieu ne nous interdit pas d’avoir des représentations de Lui, ou de Sa présence, sur Terre, Il nous interdit les pratiques des religions païennes de l’époque qui façonnaient des idoles et attendaient d’elles qu’elles soient la présence agissante de leurs dieux. Contextuellement, c’est clair :
« Tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face. Tu ne te feras point d’image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les serviras point » (Exode, 20.4-5)
L’arche d’alliance est une oeuvre d’art taillée, assemblée, décorée, avec des représentations de chérubins, et elle symbolise la présence de Dieu. L’histoire de l’église a bien montré que les chrétiens ont compris cela, les représentations symboliques de Dieu et de l’histoire du salut foisonnent et sont naturelles, humaines.
Par ailleurs, il n’y a pas d’imaginaire « biblique » à préserver, il y a un imaginaire humain à éduquer, comme on éduque son esprit critique. La Genèse se ré-approprie l’imaginaire païen de la création du monde et y répond sous forme d’un récit inspiré, qui révèle Dieu. C’est la même chose pour beaucoup les Séraphins, pour les confrontations entre l’Arche ou les prophètes et les dieux païens en Juges, ou entre Jésus et Dionysos en Actes, et pour pas mal d’autres passages comme Yannick et moi l’avons déjà exposé dans d’autres articles sur ce site.
Concernant la magie, de même, je ne vois pas l’intérêt ici de confirmer que je souscris à ce que dit la Bible. Il me semble que c’est déjà largement chose faite, par ailleurs. Simplement tu sembles interpréter « abomination » comme une catégorie particulièrement grave, et j’ai souligné que ce terme, qui a d’ailleurs un sens plus large, qualifie également le « regard hautain ». Si c’est une catégorie de péché, alors on devrait se méfier autant du dédain que de la magie. Et pour clarifier, je n’ai pas comparé la magie à une voiture, c’est le jdr que j’ai comparé à une voiture, et je maintiens cette comparaison.
Tu me demandes comment gérer le « passage » sachant qu’inévitablement jouer à des jdr exposera le joueur à des univers marqués par l’ésotérisme, l’occulte, la violence etc. N’en va-t-il pas de même pour la littérature, la télévision, le cinéma, l’art ? Comment gères-tu le « passage » entre la lecture de la Bible et d’autres livres ? J’espère ne pas avoir l’air de te prendre de haut en répondant cela, simplement j’essaie de te montrer pourquoi les questions que tu poses me semblent sans réelle pertinence sur le sujet abordé ici.
Enfin, je passe effectivement une part non négligeable de mon temps à réfléchir au jeu de rôle, tout à la fois pour y jouer, pour l’évaluer comme activité, et pour le communiquer. Je passe plus de temps encore à penser aux sujets liés à mon travail, et qui engagent tout autant une réflexion critique, de l’ingéniosité inventive, de la communication… sans que je sois pour autant en danger d’idolâtrie. J’ai une personnalité qui fait que j’ai tendance à me donner à fond quand j’entreprends quelque chose; ce fut vrai pour ce site il y a quelques années, ainsi que pour les deux sites d’apologétique précédents; c’est également vrai à chaque fois que j’invite des amis à dîner ; c’est vrai quoi que je fasse. Cela ne dit rien, pour moi, du risque d’idolâtrie, et ce n’est pas une question de plaisir ou de loisir, car Dieu nous a créé pour être sa présence agissante, bienveillante et joyeuse dans la Création. L’important est de vivre toutes ces activités en communion avec Christ – que l’on mange, que l’on travaille, que l’on joue, qu’on le fasse en adoration de Dieu.
Et c’est pour cela que je passe du temps à écrire ces articles : pour aider tous ceux qui veulent adorer Dieu à le faire y compris dans cette activité.
Bonjour Vincent,
je te remercie pour ta réponse détaillée, laquelle m’aide à comprendre ta position. D’une manière générale, je comprends très bien la démarche de Visio mundus, vu que je vous lis depuis un certain temps. Je ne manque d’ailleurs pas de parler (positivement, généralement) du site ou de relayer certains de vos articles sur Pep’s café!
Sinon, en effet, à défaut d’être entièrement d’accords ou de nous comprendre parfaitement, il est important de prendre le temps de se parler.
Ceci dit, je trouve dommage que notre premier échange d’importance porte sur ce thème, et ce, alors que je suis déjà intervenu sur d’autres sujets. Mais, comme tu le dis très bien, soyons reconnaissants de cet échange.
Tu manifestes ton « désaccord total sur la question de l’imaginaire tel que (je l’envisage), tout du moins de ce que tu en comprends ». Selon toi, « l’imaginaire est un lieu de connaissance de Dieu, et c’est pour cela qu’il faut le cultiver, même s’il est imparfait et en réforme constante ». Pour ma part, je n’irai pas jusqu’à affirmer cela, justement parce que notre imaginaire est imparfait. Nous connaissons Dieu parce qu’Il se révèle. Quand nous parlons de Dieu, nous gardons à l’esprit que, paradoxalement, Dieu est connu comme inconnaissable, et compris comme incompréhensible. Parce que nos raisonnements, notre imagination et nos mots humains ne sauraient « l’enclôre », le définir, ou même le délimiter symboliquement. Nous n’avons pour parler de lui que l’analogie, la comparaison avec ce que nous pouvons connaître en tant qu’humains, et ce que Dieu surtout veut bien nous révéler de lui. Jean 1 nous dit aussi « que nul n’a jamais vu Dieu », mais c’est Christ qui nous l’a fait connaître. D’autre part, c’est aussi au sein de l’Église, la communauté, où l’on apprend à reconnaître le Dieu véritable et à avoir confiance en Lui, car « c’est bien lui notre Père ».
Ensuite, tu dis que « Dieu nous interdit les pratiques des religions païennes de l’époque qui façonnaient des idoles et attendaient d’elles qu’elles soient la présence agissante de leurs dieux ». Certes ! Mais lorsque tu dis aussi que Dieu « ne nous interdit pas d’avoir des représentations de Lui, ou de Sa présence, sur Terre », je te réponds que la Bible nous dit « clairement non » à ce sujet, L’épisode du veau d’or (Ex.32v1-35) est suffisamment sérieux pour que nous en tenions compte. Pour rappel, ce veau, fabriqué par Aaron à partir de l’or (quelque chose de précieux) donné par les israélites, était censé représenter, non pas « un dieu », mais bien Dieu.
Tu prends pour exemple « l’arche d’alliance, oeuvre d’art taillée, assemblée, décorée, avec des représentations de chérubins », laquelle « symbolise la présence de Dieu ». Certes. Mais à condition de préciser que cette oeuvre d’art a été réalisée selon le modèle et les instructions données par Dieu, et non à la discrétion ou à l’initiative humaine. Et encore, il s’agit là « de l’ombre des choses à venir ». D’autre part, via l’arche, il s’agit là davantage de « porter les Paroles de Dieu » (cf les tables de la loi présentes dans l’arche) que « l’image de Dieu ».
Autre exemple : c’est encore Dieu qui ordonne la représentation du serpent d’airain, alors qu’Il a bien défendu de ne pas faire d’image sculptée de tout ce qui vit sur la terre (Nombres 21v8). C’est là un commandement ponctuel, particulier. Sa portée se découvre en Jean 3v14-16, lors de la discussion entre Jésus et Nicodème. Il est édifiant de noter que cet objet, commandé par Dieu dans un contexte particulier, deviendra un objet de culte (2 Rois 18.4), qui sera finalement détruit.
Comme tu le sais, les idoles naissent du désir de voir, comme leur nom l’indique (= même racine que le verbe « voir » en grec. En comparaison, « spectaculaire » vient de « spectare » = « regarder »), du besoin de maîtriser l’invisible par le regard et donc du désir de toute puissance de l’homme, du refus des limites. L’idolâtrie change la nature des choses en ce qu’elle absolutise le relatif (nous façonnons un dieu qui nous ressemble) et relativise l’absolu, en ce qu’elle limite Dieu ou le contient/l’enferme dans un espace limité. L’idole peut être objet, image, idée ou idéologie.
Connaissant la tendance idolâtre du coeur humain – « trompeur par dessus-tout » – Dieu donne à son peuple, via les 10 Paroles, la recommandation iconoclaste par excellence (Ex.20v3-6, Deut.4v9-20, Deut.5v8-9, Deut.7v25-26), laquelle est toujours valable. Dieu refuse ainsi toute représentation totémique, Sa Parole étant suffisante.
Par ailleurs, tu estimes qu' »il n’y a pas d’imaginaire « biblique » à préserver » mais plutôt « un imaginaire humain à éduquer, comme on éduque son esprit critique ». Certes. Reste à savoir sur quelle base et comment. Mais je dirai plutôt que notre imaginaire est à purifier et à libérer. Nous pouvons parler de « théologie » à « coups de marteau », sachant que ce « marteau » est la Parole de Dieu, laquelle est aussi « un feu » pour briser et brûler/purifier toutes ces fausses représentations.
En bref, au-delà de la question du JDR ou de toute autre pratique, je dirai que c’est notre besoin de voir (s’opposant au « croire » de Dieu) qui devrait être davantage questionné. La confiance, la foi, vient, non de ce que l’on voit, mais de ce que l’on entend, par la Parole de Christ (Rom.10v17).
Je comprends mieux ton exemple avec l’automobiliste et la voiture. Merci pour la clarification. Ceci dit, cela ne change rien au fait que la magie, est bien une « abomination » et donc à considérer comme « quelque chose de particulièrement grave », puisque c’est par ce terme que Dieu désigne explicitement ce qu’il a en horreur. Comme déjà signalé, pour Dieu, il n’y a pas « de bon » ou « de mauvais » usage, ou même d’usage « neutre » de la magie. Dans ce cas, si Dieu est radical sur ce sujet, beaucoup plus radical que toutes les tentatives de théoriser/rationnaliser le magique dans le JDR, comment croire possible de recycler un tel matériau magique/de sorcellerie/occulte pour un usage ludique, qui serait purement « technique », « cool » et « sympa » ? Sauf que ce n’est pas du jeu. C’est tout sauf un jeu.
Et puisque « c’est une catégorie de péché, alors on devrait » effectivement « se méfier autant du dédain que de la magie ». C’est bien pour cela que Paul, loin de se livrer à des argumentaires compliqués pour essayer de justifier l’usage de la magie dans un jeu, invite le croyant à se positionner tout aussi clairement face à ces pratiques étrangères qui sont devenues non plus des « cultures majoritaires » dans les peuples alentour, mais qui sont déclinées de façon transversale dans les comportements de ceux qui se livrent dans la chair cf Gal.5v19-21. Le plus subtil étant que les valeurs de l’occulte et autres dénis du réel se trouvent ainsi acculturées via certains univers de JDR ou même de JV. Ainsi, le fait de parler de « technique » ou de « pur mécanisme de jeu » [détruire l’autre sans que cela soit un problème] ou du fait de disposer « de plusieurs vies », me paraît révélateur de cette acculturation.
C’est plutôt long et je m’en excuse. Je te remercie par avance pour ta lecture attentive et pour ton retour (si tu le souhaites) sur ces points.
Bien fraternellement et à bientôt,
Pep’s
Je vois que nous touchons au coeur du problème qui nous sépare. Je vais devoir rédiger un article sur le sujet pour présenter plus complètement et plus systématiquement ma vision de la représentation et de l’imaginaire, et répondre à tes interrogations.
Par ailleurs, quand nous parlons de magie, nous employons le même mot mais nous ne voulons probablement pas dire la même chose. Je pense que ce qui est traduit « magie » dans la Bible n’est pas ce qui nous vient à l’esprit aujourd’hui quand nous entendons le mot, et que c’est encore potentiellement différent des divers concepts de « magie » dans l’imaginaire (voir, par exemple, le discours de Galadriel aux Hobbits sur cette question, où ce que les Hobbits appellent la « magie » des Elfes représente la liturgie du culte chrétien).
C’est aussi là-dessus que je « joue » dans mon univers de jeu de rôle : il y a de nombreuses choses que les personnages appellent instinctivement « magie » mais avec le temps ils vont découvrir qu’il y a en fait des choses fondamentalement différentes. Certaines sont issues de la science (un peu comme la médecine a pendant un temps été confondue avec de la magie, ou encore comme les prestidigitateurs qui utilisent de nombreuses techniques et outils), d’autres sont des phénomènes « naturels » (comme par exemple l’arc-en-ciel qui dans la Bible est un signe de l’Alliance), d’autres encore constituent des bénédictions et miracles issus de Dieu, et d’autres enfin se rapprochent plus de la « magie » au sens Biblique (système marchand avec des puissances créées, pour obtenir des choses qui outrepassent les limites de ce que Dieu a défini pour le bien de l’humanité).
Ce faisant, les joueurs apprennent à mieux comprendre ce qu’est la « magie » au sens Biblique et pourquoi elle est mauvaise. Ils apprennent aussi à analyser et comprendre ce à quoi ils sont confrontés avant de rejeter trop radicalement une chose simplement parce qu’elle leur est présentée sous un vocable tabou. C’est un recul dont bénéficieraient grandement de nombreux croyants, notamment pour l’évangélisation.
Bonjour Vincent,
je te remercie pour ta réponse.
« Je vois que nous touchons au coeur du problème qui nous sépare. Je vais devoir rédiger un article sur le sujet pour présenter plus complètement et plus systématiquement ma vision de la représentation et de l’imaginaire, et répondre à tes interrogations », dis-tu.
Fort bien. Si tu l’estimes nécessaire. Notre échange aura au moins conduit à cela ! Je te remercie pour ton soucis de clarté, dans le but « de répondre à mes interrogations ». Le jour où un tel article sera publié, je le lirais volontiers. Il me permettra certainement de connaître et de comprendre ta théologie.
Ceci dit, j’avoue ne pas saisir en quoi « ce problème » nous « séparerait », vu que nous croyons au même Seigneur, Jésus-Christ, lequel nous unit et dont le seul nom nous rassemble. D’autre part, mes positions ne sont pas nouvelles sur le plan théologique et biblique. Je ne vois pas non plus où serait le désaccord.
De là ma surprise de constater que, une fois encore, tu mettes davantage en avant nos éventuels points de désaccord que les fondamentaux censés être partagés entre enfants d’un même Père et disciples d’un même Seigneur. Or, il me paraît essentiel de partir sur ces points d’accord pour mieux avancer ensemble.
Dans l’attente de ton article présentant ta « vision de la représentation et de l’imaginaire » (peut-être fait-elle écho à celle de Tolkien cf https://questions.aleteia.org/articles/137/le-seigneur-des-anneaux-a-t-il-un-rapport-avec-la-foi-catholique/ ?), voici déjà, succinctement, un rappel de ce que j’en pense : L’imagination est un don de Dieu, ce qui fait que l’homme est créatif (il peut imaginer, inventer). J’ai déjà souligné dans mon article que là n’est pas le problème.
Cela en devient un, si l’imaginaire est considéré comme « un lieu pour connaître Dieu ». Comme déjà signalé, elle est plutôt un territoire à libérer et à purifier par la Parole de Dieu, au même titre qu’un territoire géographique (Gérasa, par exemple, cf Luc 8v26-39). D’autre part, notre imaginaire, comme notre raison (partie de notre âme avec nos émotions et notre volonté), se doit d’être soumis à notre esprit, lui-même soumis à l’Esprit de Christ. Et il est illusoire d’estimer que l’on peut connaître/ »se connecter » à Dieu par son âme, vu que c’est par notre esprit que nous pouvons le faire. J’espère que nous sommes en accord sur ce point.
Comme le dit Karl Barth, dans son « esquisse d’une dogmatique », que tu as sans doute déjà lue, « livré à lui-même, l’homme peut tout au plus reconnaître l’existence d’un être suprême, d’un absolu, d’une puissance supérieure….Mais cette découverte n’a aucun rapport avec Dieu lui-même. Elle est le fruit des limites de la pensée et de l’effort de l’homme, lequel peut certes imaginer un être suprême sans que pour autant il ait trouvé Dieu. On découvre et on connaît Dieu dès lors qu’il se donne à connaître lui-même dans son entière liberté » (op. cit., p 33).
Concernant ta façon de considérer la magie : effectivement, dans les romans de Tolkien, on trouve ce type de nuances, et plus largement dans les romans de fantasy/science fantasy (j’ai lu le Hobbit et « le Seigneur des anneaux », ainsi que Gene Wolfe, mais plus lu encore de la science fiction que de la fantasy), la technologie inconnue peut être perçue comme étant « de la magie » par certains personnages. Dans le genre du « merveilleux », distinct du fantastique, la magie est aussi effectivement « normale », comme faisant partie « du quotidien ». (cf ce type de réflexions sur https://www.tolkiendil.com/essais/magie/magie-tolkien, que tu connais sûrement); Mais il s’agit là de fiction. D’ailleurs, les romans de fantasy, oeuvres de fiction, peuvent-ils faire autorité pour le croyant et contribuer à élaborer une vision du monde « biblico-compatible » ? (Question volontairement provocatrice). Clairement non. Je pense que nous sommes d’accord à ce sujet.
Ceci dit, cette distinction des « magies » est-elle pertinente et biblique ? Du point de vue des Ecritures, je ne trouve pas ce genre de « nuances », source de confusions et de relativisme (au risque de tomber dans le « Dieu a-t-il réellement dit…? »). Comme déjà souligné, la magie est la manipulation du réel dans le but d’en obtenir un avantage, dans un désir de toute puissance. A noter que la confiance en la technologie, considérée comme un absolu, au nom du « no limit », peut conduire à une forme de sorcellerie/magie. Tu as certainement lu Ellul à ce sujet.
Alors certes, il importe de (mieux) comprendre, voire même de reconnaître ce qu’est la « magie » au sens Biblique, notamment dans les oeuvres littéraires et les jeux (cf ma remarque précédente sur l’acculturation de l’occulte), et pourquoi elle est mauvaise. Mais il ne s’agit pas « de rejeter trop radicalement une chose simplement parce qu’elle nous serait présentée sous un vocable tabou ». Il s’agit d’écouter, en ayant confiance, la Parole de Dieu, de telle manière de nous en tenir aux promesses et aux commandements de cette Parole, en dépit de tout.
Eve a aussi cherché à « analyser » et « comprendre » ce à quoi elle était confrontée, trouvant normal d’être face à un serpent qui parle et faisant passer Dieu pour un menteur. Nous connaissons malheureusement la suite.
Nous concernant, en tant que témoins et disciples du Christ, et en tant qu’Eglise, « lieu » où l’on apprend à reconnaître le Dieu véritable et le Père Céleste, notre discours se doit être fidèle et clair à la Parole de Dieu, et marqué par la justesse du propos, soit conforme à ce que Dieu attend de nous.
Fraternellement,
Pep’s